Le 11 novembre, jours des commémorations de la Grande Guerre, est l’occasion de réfléchir au présent, au travers de notre histoire.


Messieurs les représentants des associations patriotiques,
Monsieur le Bourgmestre,
Messieurs les échevins, Mmes et M les Conseillers,
M le Chef de Corps,
Mme la Directrice de l’école, Chers Enseignants, et Chers enfants,
Mesdames et Messieurs en vos titres et qualités,

Votre présence témoigne de notre attachement aux commémorations de la fin de la Grande Guerre, et je vous en remercie.
Je commencerai par vous expliquer le déroulement de cette cérémonie : tout en respectant la coutume qui commence par un discours, suivi du dépôt de fleurs par M. le Bourgmestre, ensuite l’appel aux morts, qui est traditionnellement récité par M. Maes, pour finir avec la Sonnerie aux champs par l’Académie et la Brabançonne, diffusée comme toujours grâce à la sonorisation de Radio Quartz, nous changeons néanmoins nos habitudes. C’est à l’église de Boignée, juste après la partie plus protocolaire, que les enfants de l’école nous liront leurs textes, ponctués par des chants de la chorale des enfants fondée par Fabian Leduc. Ce sera ensuite au tour de la chorale (d’adultes) de Boignée de rehausser ces cérémonies de leurs talents. Dans l’église, grâce aux Archives de Boignée, vous pourrez voir une exposition d’Etienne Grandchamps « 20 hommes et femmes de la Grande Guerre », et vous pourrez vous procurer des livres sur cette thématique.

Je vous inviterai donc à nous suivre après cette première partie protocolaire.

A Sombreffe, comme partout en Europe, les commémorations, au travers des cérémonies, d’expositions, de conférences, sont le moment de se souvenir des grandes dates de la guerre, des événements marquants, d’honorer nos héros et d’avoir une pensée pour toutes les victimes inconnues. C’est l’occasion de se souvenir des conditions de vie épouvantables de nos combattants mais aussi de leurs familles. Après avoir rendu hommage à nos ancêtres, qui se sont battus pour notre liberté, n’oublions pas que nous avons le devoir de tout faire pour que ces conflits armés ne se reproduisent plus.

Hélas, l’arrivée des réfugiés en Belgique nous prouve bien que l’Homme n’a pas encore tiré toutes les leçons de l’Histoire.
L’ »exode » de 1940 lui-même rappelait la fuite de 1914, nous explique le journaliste Didier Delafontaine*. Une même génération a connu à deux reprises le même bégaiement de l’histoire. Par deux fois, des civils ont fui devant l’invasion allemande.
Il faut toutefois rester prudent dans les comparaisons historiques. L’afflux actuel de réfugiés, principalement du Moyen-Orient, offre des similitudes avec les mouvements de populations lors des deux conflits mondiaux. Des différences aussi : l’ampleur du mouvement actuel des réfugiés qui débarquent dans nos pays n’est en rien comparable à celui qui saisit les populations belges et du Nord de la France en 1914 et en 1940. Les chiffres demeurent imprécis, et pour cause : la masse de réfugiés d’alors se confondait avec une retraite militaire chaotique échappant en grande partie aux gouvernements de l’époque. L’heure n’était pas aux statistiques. Les historiens sont toutefois d’accord pour évaluer à plus d’un million au moins le nombre de civils belges poussés sur la route de l’exode dès août 1914. Soit à peu près un cinquième de la population. En 1940, on atteindra le chiffre de deux millions de réfugiés belges. Une ampleur sans précédent et, à vrai dire, un chiffre peu égalé ailleurs dans le monde dans l’histoire récente.
Les similitudes résident dans les circonstances. En 1914 comme en 1940, comme aujourd’hui, l’exode est improvisé, soudain, chaotique… Il fait suite à des circonstances de guerre et à un sentiment de panique qui s’empare des populations civiles. En 1914, le comportement particulièrement brutal des troupes allemandes à Visé, Dinant, Tamines, Aerschot, Louvain a semé la terreur. En 1940, ce souvenir devant l’invasion nazie est vivace, et conforté par le bombardement destructeur de Rotterdam.

L’accueil de ces pauvres hères est varié : en France et en Angleterre, les populations belges sont plutôt bien accueillies, du moins dans un premier temps. Aux Pays-Bas, neutres, on se méfie de ces réfugiés qui seront d’ailleurs parqués dans des camps. On redoute d’être submergés par ces « catholiques » du sud. On parle aussi de lâcheté dans le chef des réfugiés, ce qui sera d’ailleurs un sentiment partagé par une partie de la population belge restée au pays. Même en Angleterre, qui avait accueilli avec bienveillance ces malheureux fuyant les hordes germaniques de 1914, certaines voix finirent par s’élever pour les traiter de couards venus s’abriter outre-Manche alors que les Britanniques mouraient par milliers dans la boue des Flandres. On les considérait souvent comme sales, mal élevés et ivrognes.
En France, tant en 1914 qu’en 1940, certains voyaient d’un mauvais œil ces « Boches » du Nord qui, comble de malheur, parlaient un idiome à consonance allemande. On redoutait aussi qu’ils ne viennent « manger le pain des Français ». De surcroît, en 1940 l’espionnite régnait en maître, la paranoïa s’était emparée de tous. On soupçonnait l’espion allemand sous le moindre voile de nonne. On n’est pas très loin des rumeurs circulant aujourd’hui à propos de terroristes infiltrés parmi les réfugiés.

En résumé : aujourd’hui comme hier, des populations fuient une situation de guerre ou d’insécurité. Aujourd’hui comme hier, elles éveillent à la fois compassion et méfiance. Mais les mouvements en cours actuellement sont dérisoires par rapport aux déplacements de populations enregistrés lors des deux conflits mondiaux.

La société sécurisée et confortable que nos ancêtres ont construite est un héritage que nous devons préserver. Respecter cet héritage passe par ces moments symboliques de remerciements, de mise à l’honneur de nos combattants des guerres 14-18 et 40-45, des prisonniers de guerres, des déportés, des victimes tant militaires que civiles. Aujourd’hui, les Sombreffois leur adressent leur reconnaissance.
Votre présence, à tous, prouve que nos ancêtres ne se sont pas battus en vain. Vous êtes la promesse d’un monde meilleur, et je l’espère, solidaire…

Deuxième partie, dans l’église de Boignée :
Mesdames et Messieurs,

Au nom du Collège, je vous remercie d’être présents pour cette deuxième partie des cérémonies patriotiques. Je remercie l’école de Boignée, fidèle au poste et les enfants qui liront des textes préparés en classe. Merci à Fabian Leduc et la chorale des enfants qui ponctueront les lectures avec leurs chants.
Vous aurez ensuite le plaisir d’écouter un récital de chants proposés par la Chorale de Boignée, dirigée par Etienne Denormes.
Je souhaite ici remercier les Archives de Boignée qui organisent durant cette journée et le we prochain l’exposition d’Etienne Grandchamps « 20 hommes et femmes de la Grande Guerre », ainsi que la vente de livre sur la thématique de la guerre 14-18, venant des collections de la « Libraire Fafouille » de Charleroi.

Avant de vous rejoindre dans l’église, nous venions d’évoquer une des terribles conséquences de la guerre : les exodes. Tant en 1914 qu’en 1940, plus d’un cinquième de la population belge a fui, et trouvé refuge dans d’autres pays.
L’accueil des réfugiés belges en France, aux Pays-Bas ou en Angleterre est d’abord chaleureux, mais tourne au vinaigre, à la méfiance et parfois au rejet.

Hélas, l’arrivée actuelle des réfugiés en Belgique nous prouve bien que l’Homme n’a pas encore tiré toutes les leçons de l’Histoire.

Je souhaite vous partager un paragraphe lu dans un fascicule des Archives de Boignée :

« L’exode
En mai 1940, c’est par un exode massif vers la France que tout commence. A Boignée, il ne restait plus que 5 personnes sur les 670 que comptait le village. Tous ces gens sur les routes n’étaient que tristesse et désolation. En France, les mairies et la Croix-Rouge organisent le placement des réfugiés. Dans cette cohue, certaines familles sont séparées et on s’organise, on se renseigne, pour retrouver les siens. »

Encore maintenant, combien de temps ? Combien de gens ? Combien d’enfances bafouées, combien de familles éclatées, de vies déchirées, par la faute de l’Homme ?
Mais, ne l’oubliez pas, face aux horreurs de la guerre, face aux crises quelles qu’elles soient, la meilleure réponse reste : la solidarité …

Merci
Valérie Delporte

* Le discours est largement inspiré d’un article RTBF info du 28/09/2015 de Didier Delafontaine
L’introduction dans l’église comporte un extrait du fascicule « A Boignée, on se souvient… 1940-1945 » Edition « Les archives de Boignée » mai 2014.