Interview « fin de mandat  de députée wallonne» de Valérie Delporte

– Échanges avec  Loïc Martin, journaliste à la Nouvelle Gazette Entre-Sambre et Meuse / La Meuse Namur ,  avril 2°2024

L.M. : – Alors que les prochaines élections arrivent doucement, vous allez bientôt quitter votre poste de députée à la Région et à la FWB. Quel bilan pouvez-vous tirer de manière globale ? 

V.D. : J’ai vécu une expérience extraordinaire. Difficile aussi, avec l’impression d’être sur les bancs de l’unif à devoir ingurgiter énormément de données, de matières nouvelles, de textes légaux à comprendre et analyser alors que je n’ai aucune formation en droit. Il faut apprendre une série de codes, de règles, de nouvelles méthodes de travail. Mais je ne regrette aucunement de m’être lancée. J’ai appris beaucoup de choses et rencontré des gens inspirants. J’ai toujours gardé à l’esprit que nous sommes élus pour représenter tous les Wallons et Wallonnes et j’ai taché, tout au long de mon mandat, de rester en contact constant et direct avec le terrain.

L.M. : – Quels sont les points positifs et négatifs de ce poste ? 

V.D. : Points négatifs pour commencer :

Je pensais arriver dans un milieu empreint de sagesse, où l’on prend le temps de la réflexion … Mais non, le milieu est compétitif, très complexe ; les différentes compétences à traiter sont immenses et les crises successives ont bousculé le programme et imposé un travail dans l’urgence.

Je trouve pénible de devoir « assister » aux égos qui se bousculent, d’être soumise à des contraintes court-termistes et particratiques, parfois au détriment de l’intérêt commun.

Le conservatisme du MR me sidère, l’opportunisme du groupe CdH/LE qui n’a changé que de nom ne m’étonne pas vraiment, la difficulté du PS à remettre en question certaines pratiques me désole et les manipulations et coups de canifs à la vérité du PTB m’énervent. Le temps perdu à débattre avec certains députés qui s’écoutent « blablater » est fatigant.

Les points positifs sont heureusement nombreux  :

Le travail en équipe ! La bienveillance qui règne dans mon groupe politique.

L’éthique rigoureuse que le groupe Ecolo s’impose dans sa façon de travailler.

Le rôle de présidence de la Commission Enfance-Santé, Culture, Médias et Droits de Femmes, au Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles, que J’ai dû assumer du jour au lendemain, sans y être préparée. C’était un gros défi pour moi qui n’aime ni être filmée ni prendre la parole en public, alors que je passe des journées entières en commission devant une caméra 😉  Ce poste m’a obligée à me dépasser et m’a permis d’acquérir énormément de nouvelles connaissances et compétences, que j’emporte avec moi pour d’autres projets. 

Le rôle de députée m’a aussi permis de rencontrer un grand nombre d’acteurs de terrain, dans l’associatif, mais aussi des entreprises, et institutions diverses… La Wallonie est riche de talents et de belles personnes.

L.M. : – De quoi êtes-vous la plus fière au niveau de ce travail à la Région ? 

V.D. : Depuis toujours Ecolo a inspiré les projets d’ouverture à plus de démocratie en Wallonie et ailleurs : assemblées citoyennes, auditions de pétitionnaires en commission, etc.

La présence d’Ecolo dans le paysage politique permet de retrouver un équilibre entre les intérêts économiques, sociaux et environnementaux dans nos lois et actions.

Je suis aussi fière de petites réalisations concrètes tout au long du mandat, dont voici les dernières :

Ce mardi 23 avril, en commission du Logement, j’ai porté une proposition de décret améliorant la relation entre propriétaires et locataires, cadrant mieux les états de lieux et les charges qui incombent aux parties. Au départ d’un autre texte déposé par l’opposition, j’ai travaillé au sein de la majorité pour peaufiner le texte voté à l’unanimité ce mardi.

Il y a 15 jours aboutissait également un long travail, mené avec les cabinets ministériels et en commission, sur les Plans de cohésion sociale.

En ce qui concerne la petite enfance, alors que le secteur est en réelle difficulté depuis de nombreuses années et a été peu concerté lors de la législature passée sur la réforme « Milac », j’ai pu mettre en place un dialogue avec les acteurs et actrices de ce secteur, en parallèle avec le travail de la Ministre Linard et de son cabinet. Nous venons d’ailleurs de débattre et de voter la Réforme de la Gouvernance de l’ONE (passée sous les radars à cause du débat médiatique autour du décret paysage ;-).  La situation du secteur subsidié s’améliore, mais il faut aller plus loin, et le secteur indépendant aura besoin de plus d’attention encore…

L.M. : – Est-ce que vous avez des regrets ? Ou des dossiers qui n’ont pas suffisamment avancés ? 

V. D. : Parmi mes dossiers phares, j’aurais notamment voulu mener une commission interparlementaire au sujet de l’accueil de la petite enfance. Car les difficultés rencontrées par le secteur dépendent autant du niveau fédéral (congés de maternité/paternité, parentaux, mesures fiscales), des Régions (subsides à l’emploi, formation et subsides aux infrastructures des crèches) et de la FWB et de l’ONE en particulier. Cela n’a malheureusement pas été possible.

Je pointerai aussi 2 dossiers qui doivent être prioritaires la législature prochaine : l’accessibilité au logement et la rénovation du bâti.

L.M. : – Le fait de quitter votre poste de députée, cela va aussi bouleverser votre rythme de vie puisqu’il ne faudra plus se rendre à Namur ou à Bruxelles. Est-ce que cela va vous manquer ?

V.D. : Il faut bien reconnaître que le rythme de vie était effréné, parfois au point d’être nocif pour ma santé. Je suis toutefois restée les pieds sur terre en empruntant les transports en commun au quotidien, la nouvelle ligne Express E5 pour me rendre à Namur et le train depuis Gembloux pour aller vers Bruxelles. Ralentir pour redonner du temps à ma famille, mon entourage, mon village sera bénéfique et j’aspire même à ce retour à une vie plus « normale ».

C’est un choix personnel de ne pas poursuivre le mandat de députée wallonne au-delà de cette législature-ci. Je suis candidate à la dernière place en suppléance pour soutenir l’équipe et lui faire profiter de l’expérience acquise. Et par ailleurs, je serai aussi candidate en octobre au scrutin communal à Sombreffe. Au niveau de pouvoir qui me tient particulièrement à coeur.

L.M. : – Dans un futur plus lointain, est-ce que vous pourriez vous représenter à ce poste ? Si oui ou non, pourquoi ?

V.D. : Théoriquement en 2029 (prochaines élections régionales) je pourrais reprendre un mandat de 5 ans. J’aurai 61 ans et je devrai encore travailler 6 ans. Mais pratiquement, je risque d’avoir envie de finir ma vie professionnelle à un rythme plus « doux » … Or il n’y a pas de mi-temps possible pour un.e député.e écologiste. Quand on s’engage, c’est à 100 %.